Guide Internet à destination des collectivités locales de Bourgogne pour la promotion
des achats responsables de bois dans les marchés publics

Qu'est-ce qu'un achat responsable de bois ?

Bois exotique et déforestation

Des forêts fragiles et sous pression

Les causes de la déforestation sont nombreuses, variables d’une région à l’autre et bien souvent imbriquées : conversion vers des cultures d’exportation (soja, huile de palme), récolte de bois (d’œuvre ou de chauffage), exploitation minière ou pétrolière, plantation d’arbres à croissance rapide pour l’industrie papetière constituent aujourd’hui les principaux moteurs de la déforestation.

Si l’essentiel de la déforestation se concentre aujourd’hui dans les forêts tropicales (Amazonie, Bassin du Congo, Asie du Sud-Est), d’autres massifs forestiers comme les forêts boréales dans l’hémisphère Nord ou les forêts tempérées d’Amérique du Nord ou de Tasmanie sont également menacées. Ces massifs ont en commun de constituer un patrimoine unique de biodiversité car ils abritent les dernières forêts primaires de la planète, c'est-à-dire des forêts qui n’ont subi aucune perturbation d’origine anthropique majeure. De plus, les forêts ont une fonction sociale essentielle pour de nombreuses communautés qui en dépendent pour leur nourriture, leur eau, leur médecine ou leur spiritualité. Enfin, les forêts jouent un rôle-clé dans l’équilibre du climat mondial en stockant du CO2 et en régulant, en partie, le cycle de l’eau.

Dans un contexte de faible gouvernance, la demande mondiale en bois et produits dérivés exerce une pression forte sur ces forêts. L’exploitation illégale du bois est particulièrement destructrice car, par définition, elle n’obéit à aucune règle : coupe dans les réserves naturelles, dépassement des quotas ou encore trafic d’espèces protégées. En Amazonie brésilienne, par exemple, l’exploitation illégale des bois précieux (ipé ou acajou) constitue, dans de nombreuses régions, la première étape de dégradations conduisant finalement au remplacement de la forêt par une monoculture de soja. L’exploitation légale n’est pas pour autant un gage de gestion durable : par exemple, l’exploitation industrielle d’une forêt primaire, bien que légale dans de nombreux pays, constitue une perturbation majeure et irréversible (ouverture de routes) de massifs jusqu’à présent préservés.

La certification, une solution pour un commerce de bois plus responsable ?

L’écocertification des forêts est un concept né en 1993 avec la création du Forest Stewardship Council (FSC) pour tenter d’enrayer la destruction des forêts tropicales. L’objectif est d’évaluer, de façon indépendante, la gestion durable d’une forêt selon une dizaine de principes dont la nécessité de protéger les droits des peuples autochtones vivant en forêt et la protection de la biodiversité animale et végétale. En réaction à la création de la certification FSC, de nombreux autres systèmes de certification ont été mis en place, avec bien souvent un cahier des charges beaucoup plus souple.

La certification des bois exotiques reste, plus de 15 ans après sa création, un outil limité : faible pourcentage de forêts certifiées dans le monde (en particulier en zone tropicale), faible pourcentage de forêts naturelles certifiées (l’essentiel des certificats étant délivré à des monocultures), affaiblissement des critères par une concurrence entre systèmes de certification et enfin, faible accès des communautés à la certification.

Pour répondre à la nécessité de contrôler le commerce de bois exotique, le système de certification Forest Stewardship Council est considéré comme le plus crédible et bénéficie, à ce titre, du soutien d’un certain nombre d’ONG internationales. Si cette certification ne permet pas de répondre à l’ensemble des enjeux, elle permet néanmoins de créer un cadre de concertation et de progrès, en étant par exemple le seul système garantissant l’absence de conversion d’une forêt primaire en plantation ou l’expulsion de communautés autochtones.

Pour aider les entreprises et les gestionnaires de forêts à obtenir cette certification, différentes initiatives existent, le plus souvent portées par des ONG comme Tropical Forest Trust, le WWF (Réseau Commerce et Forêt) ou encore Rainforest Alliance (Smartwood). Lorsqu’une entreprise s’engage dans un de ces processus, cela ne signifie pas que le bois qu’elle exploite ou commercialise est équivalent à un bois certifié FSC, mais cela signifie qu’elle a mis en place des procédures permettant, à plus ou moins long terme, d’obtenir cette certification.

En France, la situation est très différente : il existe une loi forestière qui, bien qu’imparfaite, est appliquée et constitue le socle de la gestion durable des forêts. De nombreux efforts restent à faire pour stopper l’érosion de la biodiversité dans les forêts françaises et améliorer leur naturalité mais les enjeux sont différents de ceux concernant les forêts primaires. Dans un Etat de droit, la certification est donc un plus : au-delà du certificat, il est essentiel de privilégier les bois locaux pour réduire notre empreinte écologique.

Vers un commerce plus équitable et plus durable de bois exotique

L'exploitation et le commerce de bois tropical sont souvent présentés par les importateurs et les commerçants de bois exotiques comme une chance pour les pays du Sud de se développer. Le graphique ci-dessous montre que, à l’inverse, les pays ayant un fort taux de couvert forestier ont connu un développement moindre, au cours des vingt dernières années, que ceux n’ayant pas ou peu de forêts. La corruption, la mauvaise gouvernance et l’absence de participation des communautés locales expliquent, en partie, ce paradoxe dans lequel le commerce et l’exploitation du bois conduisent à une accaparement des revenus par une minorité plutôt qu’à une réelle réduction de la pauvreté.

Evolution du revenu moyen par habitant (entre 1975 et 2004) dans différentes zones géographiques

D’après Andy White (2007). Old Problems, New Crises: Advancing Development in the Forest Areas of Large Tropical Countries. Acte du colloque “International Regime, Avoid Deforestation and the Evolution of the Public and Private Forest Policies in the South” organisé par CIRAD/IDDRI, le 21 novembre 2007, à Paris.

Dans le Bassin du Congo, la forêt est divisée en grandes concessions qui sont allouées à des entreprises extérieures. Les populations locales et les peuples autochtones (« pygmées ») sont exclus des choix de gestion : leurs arbres sacrés, comme le moabi ou le bubinga, sont abattus sans qu'on leur demande leur avis. Les entreprises payent ou sont censées payer des taxes mais la corruption est tellement importante que les populations locales ne bénéficient quasiment pas des retombées économiques. En Birmanie, l'exploitation et le commerce du teck est la deuxième source officielle de revenus de la junte au pouvoir. Les paysans sont contraints, parfois par la force, de quitter leur champs pour travailler sur les chantiers d'exploitation forestière.

Pour que l’exploitation forestière profite vraiment au développement des pays du Sud, certaines conditions sont requises : résolution des conflits fonciers et reconnaissance des droits des peuples autochtones, des lois forestières plus justes et appliquées, amélioration de la gouvernance permettant d’assurer un partage équitable des retombées économiques.

La gestion communautaire des forêts, c'est-à-dire la possibilité pour les communautés qui dépendent de la forêt de décider par elles-mêmes des choix de gestion et d’affectation des revenus de l’exploitation forestière, fait partie des solutions pour construire un commerce plus responsable de bois exotique. Ce mode de gestion est plus juste, moins destructeur et plus avantageux économiquement que l'exploitation industrielle.

Depuis plusieurs années, un groupe de travail s’est constitué pour permettre aux communautés d’accéder à la certification FSC et une réflexion est en cours pour identifier spécifiquement les produits issus de forêts communautaires.